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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

cheur qui s’échappe des jets d’eau ; en vains tritons et naïades s’efforcent-ils de lancer le plus loin possible les flots qu’ils ont pour mission de distribuer ; le passant ne se doute même pas de leur existence, et son front chargé de sueur ne reçoit pas une perle humide.

Quand je passai, un de ces malheureux dieux de la mer paraissait tout consterné ; il avait dû lui arriver un grave accident, car il regardait avec douleur sa conque vide, d’où ne jaillissaient plus que par intervalles quelques gouttelettes égarées.

Le jardin des Tuileries s’étendait à notre droite, garni de feuilles et de promeneurs ; à gauche, les Champs-Élysées, avec leurs baraques de marionnettes, leurs cafés-concerts, et, au loin, le palais de l’Industrie. L’arc de triomphe nous dominait ; nous côtoyions l’obélisque ; nous nous avancions vers deux palais, au-delà desquels la Madeleine étendait son large péristyle et ses brillantes colonnes. C’est sur cet emplacement magnifique qu’ont lieu d’ordinaire les réjouissances publiques ; c’est là que les feux d’artifice lancent dans les cieux leurs girandoles ; là que le gaz court en longs festons sur les édifices et dans les arbres, comme un serpent de feu dont les anneaux émaillés brillent et se replient ; là qu’une multitude immense se presse vers le soir, pour admirer les splendeurs qu’on répand sous ses pas. Dans ces moments-là la place offre un brillant spectacle ; mais le peuple est perfide comme l’onde, et bien des gens sont allés joyeux à ces fêtes, qui sont revenus pleurant et désespérés.

C’était le soir de l’Assomption ; depuis longtemps souffrante, Elle se trouvait plus mal ce soir-là. Néanmoins il lui prit la fantaisie de visiter la ville illuminée : je n’osai lui refuser cette distraction, je l’emmenai !

Que de promeneurs dans les rues ! quelle foule sur ces