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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

mieux moins de philosophie et plus de faits. Nous vivons dans un siècle d’action.

— Ce sont, dit Fritz, ces siècles-là que charme la voix du rêveur. Mais, dis-moi, quelles sont au résumé tes impressions générales sur notre cité, pour parler le langage Prud’homme ?

— Beaucoup de pitié, un peu d’ironie, des larmes derrière un sourire.

— De grâce, ne termine pas ainsi. Tu te suiciderais. Appelle-moi plutôt à ta rescousse. En regardant cette immensité je ne me sens pour ma part que l’envie de rire de Gargantua. « Et ce disant plorait comme une vache ; mais tout souldain rioit comme un veau. »

— Quelle est donc ta pensée ?

— Nous sommes parfaitement placés pour que je te la développe. D’ici nos yeux plongent sur cette Seine, qui sépare la ville en deux parties ; personnes diverses que j’appellerai celle du Midi la vieille, celle du Nord la jeune ou la moderne.

« Chacune d’elles peut se subdiviser en trois quartiers principaux. La vieille est la plus laide, comme il est juste ; mais elle ressemble à ces bonnes femmes, qui parfois séduisent plus que les jolies coquettes. La vois-tu étendue près de son fleuve et dormant nonchalamment accoudée ? sa tête, c’est le faubourg Saint-Germain, le siège des souvenirs. Son cœur, c’est le pays latin ; il y a là de la vie, de l’espoir, de l’effervescence pour plusieurs centaines d’années ; la science s’y sert du passé pour observer l’avenir. Plus bas Saint-Marceau étale sa hideuse livrée de misère, la misère antique, qui tend à disparaître, la misère du chiffonnier et du mendiant.

« Mais de ce côté bondit la jeune ville, éperdue et folle. C’est elle surtout qui excite ma gaieté. Sur la rive gauche vit le phénix, bien âgé et mourant, mais éternel, ce qui a été, ce