Cette dispute avait cela de particulier que les acteurs étaient de sexe différent. À New-York, le pays de la liberté, deux gentlemen eussent saisi l’homme, et, sans entendre ses raisons, l’auraient, de par la galanterie américaine, contraint sur-le-champ d’avoir tort. À Londres, on eût regardé faire. À Paris, la ville policée, on excitait les combattants ; deux partis nombreux se formaient ; chaque nouvel arrivant choisissait son drapeau, et, la plupart du temps, ignorant profondément pourquoi, criait à rompre sa poitrine. Il y a dix ans, on se serait battu sur la Grève.
Que voulez-vous ? le peuple français s’enthousiasmera toujours en faveur des choses qu’il ne comprendra pas. Il semble que le temps de nos citoyens ait aussi peu d’importance que leur vie ; ils jettent l’un au premier gamin qui crie, l’autre à la première idée qui passe.
De quoi s’agissait-il ? Nous ne pûmes d’abord le savoir. Seulement, dans l’intervalle des cris, nous distinguions des fragments de dialogue, qui méritent une place dans ce voyage à travers les mœurs.
Contre l’ordinaire, l’homme était très-loquace, la femme à peu près muette : la femme devait avoir grand tort.
Chacun tenait par la main un enfant.
Inutile de dire que les deux petits êtres prenaient part au débat à leur manière, c’est-à-dire en pleurant de tout leur cœur.
L’homme affirmait qu’à lui seul était dévolu le don de la parole. Bien que personne ne parût disposé à contester son identité, il appuyait volontiers sur ces mots : C’est moi qui vous le dis.
« C’est moi qui vous le dis, répétait-il, roulant des yeux effarés sur son auditoire et prêt à anéantir le premier doute qui s’élèverait, vous êtes une insolente !