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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

dissait près du seuil, comme le Roger Bontemps du poète, et, se dandinant alternativement sur ses deux flancs mal soutenus, semblait chanter sur un mode vulgaire : Entrez, entrez, entrez toujours.

Un autre appuyait ses deux coudes sur ses voisins, et, s’efforçant de combler le vide qui les séparait, se vengeait de son impuissance en m’adressant un pied de nez à l’aide de son robinet.

Un troisième, plus heureux, avait réussi à se glisser dans l’intervalle d’un ruisseau ; on eût dit le boulevard Sébastopol se frayant une voie entre les rues Saint-Denis et Saint-Martin.

Tous, me regardant avec leurs gros yeux, chantaient alternativement : entrez, entrez, entrez toujours.

J’entrai. En ce moment, la porte du fond s’ouvrit, et un ouvrier sortit de la salle éclairée. Naturellement il portait blouse et casquette. Fis-je un pas en arrière ? Lut-il mon hésitation sur mon visage ? Je ne sais. Toujours est-il qu’il m’adressa la parole.

« N’ayez pas peur, monsieur, me dit-il en souriant, on peut entrer, c’est très-curieux. »

— N’ayez pas peur…, cela lui était facile à dire, à lui, membre d’une institution destinée à effrayer les autres. Le bruit horrible qui sortait de la taverne n’était pas propre à rassurer.

— On peut entrer. — Je le voyais pardieu bien, que l’on pouvait entrer. — Il m’eût fait plus de plaisir en m’apprenant si l’on pouvait sortir.

Quant à la curiosité de la scène, je sais plus d’un fait divers fort curieux dont il me répugnerait de devenir le héros.