flanc arrondi du dormeur, et ne dérobe ainsi sous sa masse imposante le corps flasque de ce dernier. De plus, comme il leur est habituel de s’étendre dans le bassin qui entoure leur habitation, les pattes se perdent dans l’eau dormante ; il ne surnage d’ordinaire que l’os frontal et ces ouvertures babyloniennes que nous appelons modestement des oreilles.
Ce spectacle, si restreint qu’il soit, vaut la peine d’être vu. Ces animaux donnent au cerveau l’idée des êtres anté-diluviens ; les squelettes des mastodontes deviennent compréhensibles on sent qu’il a pu exister une autre nature, et que la création n’a pas donné son dernier mot le jour où elle a fait l’homme à l’image de Dieu.
Vous me direz : les hippopotames sont fort laids, comme tous les monstres. Je vous répondrai que cette laideur est toute de convention, et que très-probablement le mâle et la femelle s’aiment et s’admirent tout autant que l’homme et la femme. En revanche, ils nous regardent comme des insectes, et nous méprisent de tout leur cœur. D’ailleurs, en supposant même la vérité avec nous, je pourrais assurer qu’on rencontrerait dans notre espèce des êtres aussi repoussants que les plus repoussantes des bêtes, et dont la face n’aurait point, comme celle des hippopotames, une de ces laideurs qui font penser.
Quant au cèdre, il est le monstre de la végétation, Cependant il nous paraît beau. Comment expliquer cette apparente contradiction entre nos jugements sur les choses ? Tout colosse doué de mouvement nous semble laid ; tout colosse doué seulement de vie ou d’immobilité, comme les arbres et les pierres, nous paraît magnifique. Est-ce nous qui nous trompons, où Dieu ? Faut-il croire que le mouvement soit incompatible avec la beauté ? Faut-il croire que nous nourrissons une horreur instinctive pour tout ce qui nous peut