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LE TOUR DU MONDE PARISIEN.

ble. Vous la concevrez, quand je vous aurai dit que Fritz ne porta aucun de ces vêtements, mais les revendit tous au rabais à un estimable commerçant, habitué des carrefours et du quartier latin.

Cette première entreprise ayant eu un succès inespéré, Fritz a continué sur de semblables bases. Aujourd’hui ce genre d’affaires forme son unique revenu.

Fritz commande, ne paie pas et revend. Le tailleur s’étonne bien d’une telle consommation d’habits, mais il est sûr de l’acquit des notes, et ne s’en tourmente pas. Quant au papa, un jour viendra…, mais ce jour n’est pas venu ; en l’attendant, Fritz a loué une fort jolie chambre à Charenton, pour fuir la cherté des loyers, et porte assidûment des vêtements champêtres, y trouvant une économie incompréhensible au vulgaire.

Le blanc est une couleur excessivement désagréable aux marchands d’habits : c’est la seule qu’ils ne prennent à aucun prix, sous prétexte qu’elle se détériore avec rapidité.

Ce simple trait de la vie de mon ami vous le fait admirablement connaître. Vous le voyez d’ici, n’est-ce pas, tel que je le rencontrai, le soir dont je vous parle, étalé dans une vieille bergère, au coin d’un feu nécessaire, et tenant entre ses lèvres lippues une énorme pipe en écume.

Une chandelle achevait de brûler sur la cheminée, et répandait une odeur cadavéreuse.

« Bonjour, Fritz.

— Tiens ! c’est toi. Bonjour. »

Il se leva à demi et me désigna un fauteuil, qui aurait pu