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LETTRES MISSIVES


car c’estoit le plus fort et plus puissant argument pour esmouvoir les i volontez de ce vieux tyran en faveur de ce desseing, duquel au con- traire le dict Ernest discourt par sa lettre si sobrement et incertaine— ment, qu’il semble qu’il envoye au roy d’Hespagne les dicts memoires plus pour s'acquitter de son debvoir que pour aultre consideration : en quoy je pretends l’imiter maintenant envers la dicte dame Royne ; car je luy envoye les dicts memoires plustost pour m’acquitter de ce que je luy doibs que pour aultre estime que je face de ce qu’ils con- tiennent, dont toutesfois elle pourra mieux recognoistre et juger la consequence et le merite que nul aultre. Mais je desire qu’elle sçacbe que, quand tel advis chargeroit mon propre sang, j’abhorre.tant toutes trahisons et luy porte tel honneur etrespect, que je le luy declarerois, _ et employerois encore volontiers tout ce que _j’ay de pouvoir et de vie pour luy aider à en avoir la raison. Doncques, Mons" de Beauvoir, vous sçaurés premierement que je ne puis croire que le roy d’Escosse trempe aulcunement en ce faict, mais que c’est une invention de ceste race de gens, mise en jeu par les raisons susdictes, et secondement que je veux rendre tesmoignage à la dicte dame, ma bonne sœur et cousine, en ceste occasion qui est tombée entre mes mains par hazard, comme É en toutes aultres, du soing que j’ay d’elle` et de l’estat qu’elle doibt faire de mon amitié et de tout ce qui en despend. Mais si l’advis qui faict mention du roy d’Escosse est faux, il est meilleur qu’il soit sup- primé qu'esventé, afin de ne l’eli’aroucber ; et si au contraire- il est jugé digne de consideration, la dicte dame le veriiiera et y pourveoira plus facilement et seurement, le tenant secret et le dissimulant, que si elle l’esventoit, en scandalisant le roy, principalement jusque ce qu’elle y voye plus clair. Pour ceste cause, il n’a esté icy communiqué, et ay voulu que le dict Chorin en fust luy-mesme le porteur et allast baiser les mains, de ma part, de la dicte dame ; ce que je veux croire que la dicte dame aura à plaisir, comme d’une personne duquel l’industrie à deschillirer toutes sortes de chiflres est d’autant plus remarquable, _ que sa profession est d'estre soldat et de mieux servir son Roy de son espée que de sa plume.