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' ~ DU BO'] DE NAVARRE. (153 ‘ personne leur commander, et de se cantonner a la suisse? Il n’y en. a nulle de ceste volonté, je m’en asseure ; mais il est a craindre que la guerre les y force à la longue, et, a mon grand regret, j’en vois desjà naistre les commencemens, qui, avec eux, portent un miel,. ' une doulce apparence, à laquelle le meilleur et le plus loyal bour- geois du monde se laisse aisement emporter. n ` Que deviendront les villes ; quand, sous une apparence vaine de liberté, elles auront renverse fancien ordre de ce bel Estat? quand elles auront toute la noblesse ennemie, le plat pays, envieux et de : sireux quant et quant de les saceager, s’imaginant dans leurs coffres, dans leurs boutiques, des richesses sans compte? ‘ Que feront leurs principaux habitans qui tiennent tous les ollices de la monarchie, ou aux Finances', ou a la Justice, ou a la Police, ou aux Armes, et comptent chascun entre leur fortune domestique, la ° valeur de leur estat? Cela est perdu, si la monarchie se perd. Qui leur donnera le libre exercice de 'la marchandise? Qui leur garantira leurs possessions aux champs? Qui tiendra l’auetorité de leur justice? Quels en seront les degrés ? Qui commandera leurs armées? Somme : quel sera leur ordre? Pauvres abusez! Ceste fureur durera pour un temps, tout ainsy comme l'on dit que la lievre pour un temps nour- rit le malade. Mais de penser que sur des fondemens de colere et de vengeance on puisse establir une intelligence asseuree et une forme d’Estat durable, cela ne se peut, n’ayant jamais este ny veu ny leu qu’un Estat se soit changé, sans la ruine des villesjqui en sont tous- jours les principaulx appuys. A P Et toy, Peuple, quand ta noblesse et tes villes seront divisées, quel i repos auras—tu? Peuple, le grenier du royaume, le champ fertile de cest Estat ; de qui le travail nourrit les princes, la sueur les abreuvei les mestiers les entretiennent, findustrie leur donne les delices a re- change ; à qui auras-tu recours, quand la noblesse te foulera, quand les villes te feront contribuer? Au Roy, qui ne commandera ny aux uns ny aux aultres ?_Aux' ofliciersde sa justice, ou seront-ils? A ses lieutenans, quelle sera leur puissance? Au maire dune ville, quel