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LETTRES MISSIVES


prononcer ce sacré mot de paix ; ce mot, dans Yeilect duquel consiste le bien de ce Royaume? Croyés, Messieurs, que ceste admirable et fa- tale stupidité est un des plus grands presages que Dieu nous ait donné du desclîn de ce Pioyaume. ` Nostre Estat est extremement malade ; chascung le veoit. Par tous J ces signes, on juge que la cause du mal est la guerre civile, maladie presqueincurable, de laquelle nul Estat n’eschappa jamais ; 011, slil en est relevé, si ceste apoplexie ne l'a emporté du tout, elle s’est au moins terminée en paralysie, en la perte entiere de la moitié du corps. Quel remede P Nul autre que la paix ; la paix qui remet l’ordre au cœur de ce Royaume, qui par l’ordre lui rend sa force naturelle, qui par l’ordre'chasse les desobeissantes et malignes humeurs, purge les _corrompues et'les remplit de bon sang, de bonnes intentions, de bonnes volontez, qui, en somme, le font vivre. C’est la paix, c’est _' la paix qu’il fault deinander à~ Dieu, pour son seul remede, pour sa seule guerison. Qui en cherche d’aultre, au lieu de le guérir le veult empoisonner. V — i i Je- vous conjure donc tous par cest escript, autant catholiques, serviteurs du Roy mon seigneur, comme ceulx qui ne le sont pas. Je vous appelle comme Francois. Je vous somme que vous ayés pitié de cest Estat, de vous mesmes qui, le sappans par le pied, ne vous sau- verés jamais, que la ruine ne vous en accable ; de moy, encore que me contraigniés par force à voir, ai soullrir, a faire des choses que, ` sans les armes, je mourrois mille fois plustost que de voir, de souflrir et de faire ; je vousconjure de despouillerà ce coup les miserables passions de guerres et de violences qui dissipent etdesmembrent ce bel Estat, et qui nous distraient, les uns par force, les aultres trop 4 volontairement de Yobeissance de nostre Roy, qui nous ensanglantent du sang les uns des autres, et qui nous ont desjà tant de fois iaict la _ risée des estrangers, et.à la lin nous ferons leur conqueste : de quitter, dis-je, toutes nos aigreurs, pour reprendre les baleines de paix et d’unio11, les volontez d’obeissance et d’ordre, les esprits de concorde, par laquelle les moindres Estats? deviennent puissans Empires, et par