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[1583.] — 24 août.

Orig. autographe. — B. R. Fonds Béthune, MS. 8828, fol. 27 recto.

Cop. — B. R. Suppl. fr. Ms. 1009-4.


À MON COUSIN MONSR LE MARESCHAL DE MATIGNON.

Mon Cousin, Je me suis fort esbahy des billets et faulx bruits qui ont couru presque par toutes les villes de mon gouvernement et circonvoisines, de la reprise des armes[1]. Ce qu’on ne peut penser avoir esté faict aultrement que par artifice et dessein de ceulx, qui, pour satisfaire à leurs passions, publient ce qu’ils desirent ou qu’ils pensent leur pouvoir servir en quelque chose, parce qu’il n’y avoit occasion ne fondement de ce faire. Il y en a qui m’ont voulu faire accroyre que cette alarme avoit esté prise sur ce que vous aviés mandé, ou fait mander par toutes les villes, qu’elles eussent à se garder : ce que je n’ay pas creu parce que, s’il y eust eu occasion, je suis tres assuré que vous m’en eussiés fait sçavoir quelque chose. Les aultres asseurent que c’est le sr de Bajaumont. De ce bruit en sont arrivés quelques maulx et inconveniens. On a surpris quelques chasteaux. Roquevidal, qui est en Lauraguois, a pris sept ou huict prisonniers ; et quelque commandement que luy ait faict la chambre de Lisle, qui y a envoyé un prevost pour les faire eslargir, il n’y a voulu obeyr, en dict que nous sommes à la guerre. De quoy il est besoin d’advertir Sa Majesté, parce que c’est chose qui tourne au grand mespris de la justice et est fort prejudiciable au bien de la paix et au service de Sa Majesté. Ceste licence s’est entretenue et accreue par le moyen de l’impunité. Je vous prye, mon Cousin, d’escrire aux dictes villes, qui se sont ainsy alarmées sans propos, de bonnes lettres pour moderer les cerveaux, qui sont ou monstrent estre plus violens qu’ils ne devroient estre. Attendant le retour du sr du Plessis, que j’ai envoyé vers le Roy, je suis venu en ce lieu

  1. Ce bruit se répandit en même temps que la nouvelle de l’affront fait à la reine de Navarre.