Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remonstrances qu’ils ont faictes sur l’importance et necessité de leur seureté, pour laquelle ils supplioient qu’on leur changeast les villes cy devant accordées, à Gap et à Livron. Mais nous n’estions pas lors advertys de ce qu’ils traictoient avec messrs de la cour du parlement de Grenoble ; et ce qu’ils ont offert semble bien esloigné de ceste resolution, ou plustost opiniastreté, ains conforme la l’obeissance que le Roy desire de tous ses subjects, ainsy qu’il apparoit par les actes qui m’ont esté depuis envoyez, et que j’ay mandé au sr de Chassincourt representer par delà. Par lesquels on pourra recueillir que leur obstination n’est pas si grande, qu’elle merite le faict d’une armée telle que nous la voyons. De laquelle, oultre les evenemens qui ne sont pas si certains comme beaucoup peut-estre cuident, ne pourra revenir aulcun fruict qui contrepoise à la tres grande dissipation et ruine de ses subjects en une province frontiere, et de s’asseurer que ces forces ne seront converties contre ceulx qui vouldront vivre et se comporter suivant l’edict de paix. C’est chose mal aisée de ne craindre le feu quand la maison du voisin brusle ; et ne se pourra facilement persuader à tant de peuple bouillant encores des guerres passées, que si les affaires succedent mal pour ceulx d’un mesme party, ils se puissent bien porter pour eulx. Ains penseront que, comme l’on va aisement de l’un à l’aultre, les forces toutes portées se pourront tourner contre eulx. Et bien que l’intention du Roy ne soit à present telle, il n’y aura faulte d’orateurs qui tascheront de l’y pousser, et sur quelque querelle d’Allemaigne, exciteront son couroux, ainsy qu’on peut juger qu’il s’est faict à present, par ceux qui desirent plus retenir les armes en main que voir la paix bien establie. Par quoy les moins asseurez chercheront quelque seureté particuliere, ne se fians en la publique ; je parle de ceulx de Languedoc et de tant de lieux prochains, desquels vous cognoissez les esprits, qui ne se domestiquent pas si aisement. Et comme vous me faictes ce plaisir de discourir librement avecques moy, je vous en parle de mesme, ayant cogneu la franchise de vostre cœur, le zele et l’affection irez louable que portez au service