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j’ay tousjours esté plus amateur, en cest Estat, que de la guerre ; et si dés lors le mareschal de Biron n’eust refusé la trelve, tant de maulx ne fussent advenus. Mon dict Sieur se rendoit comme pleige et fide-jusseur de ce qui seroit arresté ; le mal nous estant advenu par faulte de voir la precedente paix bien executée et la justice administrée egalement, il offroit d’estre luy mesme executeur de ceste-cy, comme on voit qu’il est à present.

Je vous fais ce petit discours, Monsr de Besze, pour respondre à ceulx des nostres qui voudroient faire trouver la dicte paix mauvaise. Mais peut-estre diront-ils que, combien que de soy elle soit bonne, nous ne la devions tant haster, que mon cousin monsieur le Prince[1], monsieur le duc Casimir, qui nous aime et favorise, et les depputez de quelques provinces qui n’y ont assisté, n’y fussent intervenus. C’est à mon trez grand regret, sçachant qu’à traicter tels affaires on ne peut estre assisté de trop de gens de bien. Mais je puis aussi respondre que quand Monsieur a prins la peine de venir jusqu’en ce pays, il estoit pressé de plusieurs belles occasions qui se presentoient et se perdoient, comme à la verité pendant nos longueurs il y en a de perdues qui eussent grandement servi si on les eust embrassées, ainsi qu’il en avoit le desir et le moyen. Ce neantmoings l’on sçait que j’ay differé tant que j’ay peu, pour donner loisir d’advertir nos depputez de venir, ayant par trois fois remis et retardé l’entreveue. Enfin ne pouvant plus reculer sans grande demonstration de mespris du desir et de la peine de Monsieur, duquel j’estois fort prés et qui me convioit à toutes les honnestes offres d’amitié qu’il est possible, je le suis venu trouver[2], non en intention de rien conclure. Ce que je n’eusse faict, sans l’expresse desclaration qu’il m’a faicte de ne pouvoir oultrepasser le dernier edict. De

  1. Le prince de Condé avait fait des efforts extraordinaires pour relever les armes de son parti par l’assistance des princes protestants, qu’il était allé solliciter en personne presque tous.
  2. C’est l’entrevue qui eut lieu, comme nous l’avons dit, au château de Fleix chez le marquis de Trans. Monsieur s’y trouva avec le duc de Montpensier et le maréchal de Cossé.