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[1580. — fin de novembre.]

Cop. – Biblioth. de Tours, ancien manuscrit des Carmes, coté M, n° 50, Lettres historiques, p. 69. Communiqué par M. le préfet.


À MONSR DE BESZE[1].

Monsr de Besze, Si vous avés congneu que la derniere prinse des armes n’a point esté sans grande occasion et necessité, tout de mesme jugerés-vous de la paix que nous avons faicte, et qu’il a pleu à Dieu nous donner. Elle nous estoit necessaire, non pour crainte de nos adversaires, la force desquels nous avions moyen de soustenir dans les bonnes places qui nous restoient encores, mais pour les divisions, desobeissances, rapines et desordres qui estoient parmi la plus part de nous. Dont il advenoit que la guerre apportoit plus de mal à noz eglises que de conservation. Toute religion et pieté se perdoit, le peuple comme en desespoir commençoit à se mutiner ; et n’y avoit reigle ny discipline aulcune que l’on voulust observer. J’avois, dés le commencement que Monsieur m’envoya le sr de Farvaques[2], entendu aux propositions qui me furent faictes de la paix, de laquelle

  1. Théodore de Bèze, qui fut pendant plus d’un demi-siècle l’oracle vénéré du parti protestant, était né,le 24 juin 1519,à Vezelay en Nivernais. Après des études très-distinguées à Paris et à Orléans, il fut pourvu du prieuré de Longjumeau et passa plusieurs années à Paris, où il se maria secrètement, ayant adopté entièrement les idées de la réforme. Il quitta la France en 1548 et se retira à Genève, d’où il alla professer le grec à Lausanne pendant neuf ans. Rappelé à Genève par Calvin, il y fut établi ministre et professeur en théologie, et y mourut le 13 octobre 1605.
  2. Guillaume de Hautemer, seigneur de Fervaques, comte de Grancei et baron de Mauny, était le fils aîné de Jean de Hautemer et d’Anne de la Baume. Il se trouva aux batailles de Renty, de Saint-Quentin de Gravelines, de Dreux, de Saint-Denis et de Moncontour, fut fait chevalier de l’ordre du Roi et capitaine d’une compagnie d’ordonnance. Il eut successivement les premières charges dans la maison du duc d’Anjou, depuis Henri III, dans celle du roi de Navarre, puis chez le duc d’Alençon, après la mort duquel il suivit le parti de la Ligue ; mais, à l’avénement de Henri IV, il se rangea tout à fait au service de ce prince, qui le nomma chevalier du Saint-Esprit et maréchal de France, le 7 juin 1595. Le maréchal de Fervaques mourut en 1613, âgé de soixante et quinze ans. D’Aubigné, qui le haïssait, l’a peint des plus noires couleurs dans ses Mémoires.