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[1580. — commencement d’août.]

Orig. autographe. Collection de M. F. Feuillet de Conches.


À MONSR DE SAINT-GENIÉS.

Monsr de St Geniés, Vous aurés desjà sceu l’arrivée de mon cousin de la Roche avec ses troupes, que je fus recepvoir delà la riviere de Garonne, et ma presence fut trez-necessaire pour les persuader de passer. Maintenant que nous sommes ensemble, je m’asseure que le mareschal de Byron ne sçauroit rien entreprendre que nous ne luy fassions lascher. Il a faict semblant de vouloir attaquer les mas de Verdun avec les forces que ceulx de Thoulouze luy promettoient ; mais il a sceu que la place est en trop bon estat, monsr de Terride y ayant mis cinq cens arquebusiers dedans, quarante salades et force vivres. Il est maintenant à Agen avec l’artilerie, faisant semblant d’aller vers Saincte Bazeille, où j’espere si bien pourvoir qu’il n’y gaignera la seconde fois pas plus qu’il n’a faict la premiere[1].

  1. Cette lettre est fort curieuse comme exposant les combinaisons du jeune roi de Navarre, au moment même où elles se trouvaient déjouées par l’expérience supérieure et par les ruses de guerre du maréchal de Biron. C’est ce qui résulte de ce passage des Mémoires de la reine Marguerite, au sujet d’un très-court séjour de son mari à Nérac, où elle tenait alors sa cour : « Le mareschal de Biron, qui n’espioit qu’une telle occasion, en estant adverty, feint de venir avec son armée près de là, pour joindre, à un passage de rivière, monsieur de Cornusson, seneschal de Tolose, qui lui amenoit des troupes ; et, au lieu d’aller là, tourne vers Nérac, et sur les neuf heures du matin il s’y présente avec toute son armée en bataille, prés et à la vollée du canon. Le Roy mon mary, qui avoit eu advis dés le soir de la venue de monsieur de Cornusson, voulant les empescher de se joindre et les combattre séparés, ayant forces suffisantes pour ce faire (car il avoit lors monsieur de la Rochefoucaut avec toute la noblesse de Xainctonge, et bien huit cens harquebusiers à cheval qu’il lui avoit amenez),estoit party du mattin, au poinct du jour, pensant les rencontrer sur le passage de la riviere ; mais les ayant failly pour n’avoir esté bien adverty, monsieur de Cornusson ayant, dés le soir devant, passé la riviere, il s’en revient à Nérac, où, comme il entroit par une porte, il sceut le mareschal de Biron estre en bataille devant l’aultre. » (Mémoires de Marguerite de Valois, nouvelle édition, p. 168.) Ce fut en cette occasion que Biron fit tirer le canon contre le château de Nérac, où se trouvait Marguerite, et quelque temps après, qu’il se cassa la jambe dont il était déjà boiteux.