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pour mieulx envelopper leur innocence et les punir comme criminels (dont la chambre de L’Isle, quelque arrest qu’elle aye donné, n’a jamais peu faire apporter la procedure), et contre moy-mesme qui ay faict rendre celuy qui vouloit trahir et me livrer le Mas prés Pamiers[1], tenu par les Catholiques. Aprés la confession volontaire faicte en presence du seigneur de Rambouillet et de l’abbé de Gadaigne[2], on a retorqué ceste accusation pour sur icelle commencer à faire mon procez. Les maisons des particuliers sont encore retenues ; plusieurs chasteaux qui m’appartiennent ne m’ont poinct esté rendus, quelque commandement qu’il ait pleu au Roy d’en faire ; si ceulx de la Religion en ont tenu quelques uns, soudain ils ont esté assiegés ; on les a reprins de force, ceux de dedans ont esté taillez en pieces, comme Sainct Ubery[3] ; et ailleurs, si j’ay voulu ravoir les miens on l’a trouvé fort mauvais, on s’y est armé pour deffendre ceulx qui les ont occupez, comme dernierement Puynormand[4] et Montagnac. Quant à la Religion, on est à prouvoir encores de lieux pour l’exercice d’icelle en la plus part des baillages et seneschaulsées, quelques poursuites qu’on ait faictes de cimetieres pour les morts. L’institution des enfans n’est permise dans les colleges, s’ils ne font profession de la religion romaine ; nul n’est admis aux charges et fonctions de sa foy, comme il s’y est veu par Canaye[5] qui a esté plus de six mois, combien qu’il fust trés suffisant, avant qu’estre receu en l’estat de conseiller du grand conseil, quelque rigoureux et exprez commandement que le Roy mon seigneur en fist, seulement pour

  1. Le Mas-Saint-Antonin, ancienne résidence des évêques de Pamiers.
  2. Jean-Baptiste Guadagne, dit l’abbé de Gadagne, fils de Philippe Guadagne, noble florentin qui s’était établi à Lyon avec son frère Thomas. On le trouve fréquemment employé par la reine mère dans des négociations importantes.
  3. Ou plutôt Saint-Tibery, près Montagnac. Les religionnaires le prirent le 25 octobre 1579, et il fut repris le surlendemain par le maréchal de Montmorency, qui fit tout passer au fil de l’épée.
  4. Dans l’ancien duché d’Albret, aujourd’hui du département de la Gironde.
  5. Philippe Canaye, seigneur de Fresne. On a de lui trois volumes in-fol. intitulés Lettres et ambassades, sur ses négociations à Venise et dans d’autres parties de l’Italie, pendant le règne de Henri IV.