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ouy que plainctes ; vous sçavés les injustices qu’on a faictes à ceulx de la Religion, les dissimulations dont on a usé là l’execution de l’edict ; vous estes tesmoing de la peine que j’ay prise pour y apporter la doulceur ; aïant tant que j’ay peu rejeté les moïens extraordinaires pour esperer de la main du Roy et de la Royne vostre mere les remedes convenables. Tant de voyages à la Court, tant de cahiers de remonstrances et de supplications en peuvent faire foy. Tout cela n’a guary de rien ; le mal, s’augmentant tous jours, s’est rendu presque incurable. Le Roy dict qu’il veult la paix ; je suis content de le croire ; jamais les moïens dont son conseil veut user tendent à nostre ruine. Les desportemens de ses principaulx officiers et de ses courts de Parlement nous le font assés paroistre. Despuis ces jours passez vous avés veu comme on nous a cuidé surprendre au despourveu ; nos ennemis sont à cheval, les villes ont levé les armes. Vous sçavés quel temps il y a que nous avons eu advis des preparatifs qui se font, des estats qu’on a dressé pour la guerre. Ce que considere est que tant plus nous attendons, plus on se fortifie de moïens. Ayant aussy, par les depesches dernieres qui sont venues de la Court, assés cogneu qu’il ne se fault plus endormir, les desseings de nos adversaires, et d’aultre part, la condition de nos Eglises affligées qui me requierent incessemment de pourvoir à leur defense, je n’ay peu plus retarder, et suis party avec aultant de regret que j’en sçaurois jamais avoir, aïant differé de vous en dire l’occasion, que j’ay mieulx aimé vous escrire, pour ce que les mauvaises nouvelles ne se sçavent que trop tost. Nous aurons beaucoup de maulx, beaucoup de difficultés, besoing de beaucoup de choses ; mais nous esperons en Dieu, et tascherons de surmonter tous les desfaulx par patience, à laquelle nous sommes usités de tout temps. Je vous prie, M’amie, commander pour vostre garde aux habitans de Nerac. Vous avés là monsr de Lesignan pour en avoir le soing, s’il vous est agreable, et qui le fera bien. Cependant aimés-moy tousjours comme celuy qui vous aime et estime plus que chose de ce monde. Ne vous atristés poinct ; c’est assés qu’il y en ayt un de nous deux malheureux, qui neantmoins en