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de ce qu’on l’avoit accusé d’avoir traicté et capitulé contre le service du Roy mon seigneur avec le mareschal de Bellegarde[1], vers lequel il a protesté et asseure avoir esté pour luy parler de l’execution de l’edict et de l’estat des affaires de Daulphiné, comme estant ladicte province de son despartement. Et sur ce que je luy ay objecté les forces dudict pays, qui sont allées trouver ledict mareschal pour l’execution de ses entreprises[2], il respond qu’ils pensent n’avoir offensé, ne debvoir estre blasmez, d’avoir obey à ung mareschal de France, lequel a mandé lesdictes forces et commandé à ladicte province. Quant au sr de Montberault[3], je ne l’ay veu ; mais m’estant enquis de luy, j’ay appris qu’il estoit passé en Gascogne ; et parce, Madame, que par ledict sr de Lesignan vous entendrez choses plus particulierement, je ne vous escriray de plus longue lettre, si ce n’est pour vous supplier trez humblement de ne vouloir adjouster foy aiseement aux bruicts et faux rapports dont on remplit vos oreilles pour vous mectre en soubçon et deffiance de moy. Et ce faisant, la

  1. Roger de Saint-Lary, seigneur de Bellegarde, fils de Péroton de Saint-Lary et de Marguerite d’Orbessan, fut successivement lieutenant de la compagnie de gendarmes du duc de Retz, commandeur de Calatrava, colonel de l’infanterie du duc d’Anjou, enfin, à l’avénement de ce prince à la couronne, maréchal de France, le 6 septembre 1574. « Nous ne l’appelions à la cour, dit Brantôme, que le torrent de la faveur. » Il finit pourtant ses jours dans la révolte et la disgrâce, et mourut empoisonné à Saluces, le 20 décembre 1579.
  2. De Thou a raconté fort en détail toute cette entreprise de Bellegarde. Il en tenait les circonstances de la bouche même du secrétaire Mathurin Charretier, dans un voyage qu’il fit avec lui à Lyon. Le résumé est que Bellegarde ayant échoué dans les intrigues qu’il avait préparées pour enlever à Damville le gouvernement du Languedoc, par l’appât du marquisat de Saluces, s’empara pour lui-même de ce marquisat, à la suite de son entrevue avec la reine mère, au mois d’avril précédent. Il fut aidé dans cette entreprise par Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné. Le roi de Navarre fut même soupçonné d’y avoir prêté la main.
  3. Lesdiguières et Bellegarde avaient chargé Montberaut d’une mission auprès du roi de Navarre pour obtenir son concours. Cette lettre-ci est en désaccord avec ce que rapporte de Thou, que « Montberant fut très-bien reçu du roi de Navarre, à qui Calignon avoit ordre de Lesdiguieres de conseiller d’en user ainsi ; et ce prince, ajouta-t-il, lui accorda le pouvoir qu’on demandoit. » (Histoire univ. l. LXVIII, année 1579.)