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1576. — 21 décembre.

Imprimé. – Décade contenant la vie et gestes du Roy Henry le Grand, par Baptiste Legrain, liv. III, p. 123 et suiv. Paris, 1614, in-fol.

À LA NOBLESSE, VILLE ET COMMUNAUTEZ DU GOUVERNEMENT DE GUYENNE.

Messieurs, Ayant pleu à Dieu, aprés tant de calamitez, confusions et desolations que les guerres et discordes civiles ont apporté en ce Royaume, toucher le cœur du Roy mon seigneur de la compation de si longues et continuelles miseres, et l’encliner à faire un edict de pacification, chascun a peu voir clairement comme mes actions et deportemens n’ont tendu qu’à le faire bien establir en mon gouvernement ; à reduire la noblesse et les villes par où j’ay passé, à promettre publiquement et unanimement de le maintenir ; à faire, suivant iceluy, esgal traictement, faveur et distribution de justice à ceulx de l’une et de l’aultre religion, et en somme à jouir de la doulceur du bien de la paix, jusques à faire remettre entre les mains des Catholiques plusieurs places et maisons encores occupées, combien qu’aulcuns d’eulx me deteinsent les miennes propres : à fin de monstrer à tous exemple d’une vraie reünion, à laquelle on voyoit un general acheminement en ce pays, jusques à ce que monsr l’Admiral[1], envenimé d’aigreur et passion, et chargé de desseins et instructions par ceulx qui pensent ne pouvoir parvenir au bien de leurs entreprises que par la continuation et renouvellement des troubles et divisions, y est venu exprez pour y remettre les desfiances et animositez, et jeter la semence de discorde parmy nous. Lequel, à son arrivée, ayant intelligence et correspondance avec cinq ou six esprits turbulens de Bourdeaux, ville capitale de mon dict gouvernement, a esté auctheur et motif de la garde qu’on y faict plus grande qu’en temps d’hostilité, et du refus qui a esté faict de m’y recevoir, au passage que j’estois sur le poinct d’y faire pour aller trouver la Royne mere du Roy mon seigneur à Congnac[2], soubs

  1. Villars.
  2. « La Roine… fit mettre en avant une entreveue et conference qui se devoit tenir à Congnac, et où elle devoit mener la Roine de Navarre, sa fille. Mais comme pour cet effet le Roy de Navarre se fust avancé jusques à Cadillac, voilà Bourdeaux qui s’esmeut et met en armes, et depesche vers lui avec touttes les douces paroles et raisons qui peuvent colorer un refus : mais luy ne s’en pût paier. » (D’Aubigné, Hist. univers. t. II, l. III, ch. II.)