Page:Henri IV - Lettres Missives - Tome1.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il ne faisoit pas seur pour les miens. Aussy le Gast[1], me venant voir, disoit tout hault que, la Rochelle prinse, on feroit parler aultrement les Huguenots et les nouveaulx Catholiques. Vous pouvés penser si ayant en tant d’advertissemens et mesmes de celuy en qui le roy de Poloigne se fioit entierement, s’il n’y avoit pas juste occasion de le croire. Toutesfois ayant promis au roy de Poloigne que si j’entendois quelque chose pour le service du Roy ou du sien, je l’en advertirois, comme je fis ; l’allant trouver le soir en son cabinet, luy donnay à entendre comme le tout se passoit. Il m’asseura qu’il n’en estoit rien, ce que je creu. Et des lors me promit tant d’amitié que quittant ceste frayeur, je cessay de faire gardes en mon logis, comme j’avois esté contrainct de faire pour l’asseurance de ma vie. Depuis, je ne perdis une seule occasion de me tenir pres de luy, tant pour le servir que pour luy faire preuve que je n’avois rien plus cher que ses bonnes graces.

En ce temps-là le camp fut rompu, et nous nous en revinsmes de la Rochelle vous trouver ; où il ne se parla que du despart du roy de Poloigne, lequel Voz Majestez furent conduire jusques à Vitry[2]. Où j’eus advertissement, de plusieurs endroicts, qu’on vouloit tuer le Roy, monsieur le Duc[3] et moy, et faire le roy de Poloigne Roy, ce que je ne voulus jamais croire. Toutesfois faisant entendre ce que j’avois entendu à monsieur le Duc, il me dit qu’il avoit eu beaucoup de pareils advis, et que monsieur de Guise[4] faisoit assemblée à Ginville pour

  1. Louis de Bérenger, seigneur du Gast, d’une ancienne famille de Dauphiné, cinquième fils d’André de Bérenger et de Madeleine de Bérenger, mestre de camp du régiment des gardes de Henri III, dont il fut l’un des plus brillants favoris, et qu’il accompagna en Pologne. La reine Marguerite lui portait la haine la plus violente. Il fut assassiné, le 1er  novembre 1575, par Guillaume du Prat, baron de Vitaux.
  2. Vitry-le-Français, en Perthois, aujourd’hui département de la Marne.
  3. Hercule de France (nommé depuis François), duc d’Alençon, puis d’Anjou, quatrième fils de Henri II et de Catherine de Médicis, né le 18 mars 1554, mort le 10 juin 1584.
  4. Henri de Lorraine, surnommé le Balafré, duc de Guise, prince de Joinville, fils de François de Lorraine et d’Anne d’Est-Ferrare, né le 31 décembre 1550, poignardé à Blois le 23 décembre 1588.