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— VII —

Autant que possible, je les ai fait suivre des proverbes français correspondants, sinon je me suis borné à en expliquer le sens.

3° J’ai cherché surtout à mettre en évidence toutes ces locutions vicieuses qui déparent notre langage quand nous parlons français ; défaut dont les personnes qui d’habitude veulent briller par leur élocution, ont beaucoup de peine à s’amender, outre qu’il nous expose aux railleries de nos voisins du Midi, à qui nous faisons la partie belle, par notre indifférence à nous conformer strictement aux préceptes de leurs sommités littéraires.

Soit dit en passant, je ne me rends pas compte du peu d’état que nous faisons de parler correctement leur langue ; notre amour-propre national nous égare au point que toute expression française, souvent la seule admissible, est considérée comme une affectation, comme un acte de pédantisme, si elle n’est pas d’un usage général dans nos contrées, et celui qui s’en sert encourt la satire ou le ridicule. En revanche, lorsque nous sommes en quête d’un mot qui refuse de s’offrir incontinent à notre imagination, nous ne sommes nullement gênés pour y substituer un terme exotique de n’importe quelle origine ; pourvu qu’il nous chatouille un tantinet l’oreille, nous l’accueillons avec empressement, sans nous soucier s’il a reçu droit de bourgeoisie[1].

A l’appui de ce que j’avance, qu’il me soit permis de citer seulement deux exemples qui me sont personnels. Rien que l’emploi des mots soixante-dix et quatre-vingt-dix au lieu de septante et nonante, m’a valu plus d’une fois l’épithète de fransquillon[2] ; et mes épilogueurs ne font pas attention que si cette anomalie, qui provient d’une ancienne coutume

  1. En semblable occurrence, il est une certaine catégorie assez nombreuse de narrateurs qui, dans leur faconde soporifère, fonl un abus insupportable des mots chose et choser, dont ils assaisonnent presque toutes leurs phrases.
  2. Épithète barbare qu’on appliqué à celui qui affecte des manières françaises.