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il suffit, qu’il énonce séparément les deux mots j’a et d’ja, pour sentir que leurs assonances diffèrent notablement. II faut donc renoncer à résoudre cette difficulté ; l’étranger amateur ne peut la vaincre autrement que par la fréquentation permanente des Wallons, et en prêtant une oreille attentive à la manière dont ceux-ci prononcent ch, g et j.

Par la méthode que je viens de développer, on voit que je laisse toute latitude à l’écrivain, pourvu qu’il se conforme au principe fondamental : écrire les mots comme on les prononce et exclure toute lettre oiseuse. II en résultera que l’idiome wallon aura son orthographe à lui, sa physionomie particulière, son caractère d’indépendance et de nationalité, il ne ressemblera à aucun autre dialecte. Et pourquoi d’ailleurs chercher à l’étranger ce qu’on peut trouver chez soi ? Ne serions-nous pas répréhensibles, au moment où le pays tout entier s’est levé comme un seul homme pour protester, au cri de Vive la Belgique ! vive le Roi ! contre certaine clameur impopulaire que Liège particulièrement a étouffée avec enthousiasme par la brillante réception qu’elle vient de faire à son monarque vénéré ? réception unique, peut-être, dans l’histoire des souverains, et qui nous a valu l’admiration des étrangers témoins de cette magnifique ovation !

Non, je ne veux pas qu’on nous accuse de plagiat, et qu’on nous jette à la tête cette fausse et injurieuse sentence : que la langue wallonne n’est que la langue française corrompue [1]  !

Sans doute, les étymologistes ne trouveront pas leur

  1. Dans une circonstance récente, et à la suite d’un aperçu que j’avais donné de mon système, je fus traité de gallophobe, qualification qui ne se concilie guère avec celle de fransquillon. Je mérite si peu un tel reproche, que si j’avais quelques lustres de moins sur la tête, j’irais avec délectation séjourner quelques années en France, tout exprès pour m’y perfectionner dans la langue des Racine, des Boileau, des Delille, etc., etc. ; et surtout en vue d’y acquérir cet accent gracieux, cette délicieuse intonation de voix qui cause un charme indicible ; et ce degré de perfection, il est rare qu’un Wallon puisse l’atteindre.