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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

ressant ! » Il donnait l’impression, l’air méditatif, de le choisir au fond de lui comme avec une pince et le lâchait en inclinant sévèrement la tête, même s’il s’agissait d’une pièce gaie. C’était un homme qui, par défaut d’imagination, prenait au sérieux toute la vie. Marc, au contraire, ordinairement, ne répondait pas, mais un coup d’œil de son côté instruisait Hélène qu’il n’avait même pas entendu. Tout son jeune être appartenait au jeu des acteurs. Appuyé des deux coudes à la balustrade, on le voyait tantôt frémir, la joue pâle ou pourpre, et mordiller du bout des dents sans discontinuer son mouchoir roulé en tampon, tantôt, saisi d’une gaieté folle, rire à bouche cousue, dominé par la crainte de perdre un plaisir en étouffant quelque réplique sous son propre éclat. Hélène, alors, le désignait d’un geste amusé à son mari qui, docilement, se penchait un peu. Puis ses yeux revenaient se fixer sur Marc.

— Ah ! se disait-elle, comme il vibre ! C’est grâce à moi ! lui plaisait-il de se répéter, l’esprit tendu vers les étapes de sa longue tutelle.

De nouveau, la fierté pénétrait son âme, et elle sentait confusément, dans toute sa personne, courir une chaleur délicieuse.

Ce ne fut guère que lorsqu’en mars Michel l’eût quittée pour un voyage de quatre mois sur un navire neuf qu’Hélène, redevenue plus attentive à la vie ordinaire du jeune étudiant, crut remarquer dans sa conduite certaines libertés. Comme l’année précédente, au début des cours, il parlait haut, riait plus fort, sifflait et chantait, se donnait volontiers