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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

on l’aurait prise pour une quelconque de ces jeunes Anglaises qui vont chez nous des cathédrales aux tennis de Cannes et aux patinoires dauphinoises. Dans son esprit, tout occupé de sérieuses recherches, le souci de l’amour n’avait aucune place. On ne pouvait pourtant pas dire que son cœur fût sec. La tendresse la plus vive la liait à son père et elle sentait dans sa poitrine un désir d’aimer prêt à se fondre en vigilance et en dévouement devant tout objet vraiment digne.

Deux années s’écoulaient sans qu’elle en vît un. Dans les quelques familles qu’elle fréquentait, des jeunes gens de tout âge lui faisaient la cour, mais elle était et difficile sur l’intelligence, et trop sensible aux ridicules les moins accusés. Les plus flatteuses déclarations provoquaient son rire. Précocement mûrie par l’étude, elle refusait d’examiner des projets d’union qui l’auraient mise aux mains d’un être inférieur à elle et parfois moins riche d’expérience. « Regardez leurs cravates et leur orthographe ! Des fantoches ! » disait-elle à sa vieille cousine, toutes les fois que celle-ci s’oubliait près d’elle à vanter les mérites de ses prétendants. La timide personne soupirait. On devinait, à sa manière de pincer la bouche en secouant la tête rêveusement, qu’elle-même, jadis, eût témoigné d’une exigence moindre envers des partis comme ceux-là. Mais elle devait à sa pupille un précieux bien-être et elle savait quel triste cours reprendait une vie de nouveau réglée sur ses rentes. Aussi se gardait-elle bien d’insister.