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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

comme ces conférences faites pour elle. Elle admirait passionnément son doux homme de père et trouvait merveilleuse la condescendance qu’elle le voyait mettre à l’instruire. Aussi, pas une de ses paroles ne résonnait-elle sans se graver dans sa mémoire, parfois mot à mot. Confessionnelles ou politiques, morales ou sociales, toutes les idées que répandait M. de Kerbrat dans ces longues minutes d’épanchement, toutes les doctrines qu’il exposait d’un air convaincu rencontraient en Hélène une fiévreuse adepte. Qu’il pût pécher par complaisance ou raisonner mal ne lui venait pas à l’esprit. Son enseignement avait pour elle une vertu sacrée. Dès l’instant qu’il niait Dieu, Dieu n’existait pas, et, puisqu’au nombre des principes qui lui étaient chers figurait l’excellence de la République, l’ancien régime, dans tous ses actes, éveillait sa haine où lui inspirait du dégoût. Incapable, d’ailleurs, d’une hypocrisie, elle avait renoncé délibérément à tout exercice religieux et déployait les opinions les plus subversives avec une précoce assurance.

Chez les parents de ses amies, elle faisait horreur. Ou, plutôt, elle blessait et donnait à rire, de ce rire aigre et malveillant dont l’esprit docile se complaît à cingler le libre examen, singulièrement lorsqu’il s’allie à l’extrême jeunesse. Ses amies mêmes avaient tenté d’exciter sa honte en lui décochant mille sarcasmes. Mais Hélène opposait à leurs plaisanteries une contenance imperturbable et si dédaigneuse que ces fillettes, désem-