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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

nait plaisir à détailler dans leur mille nuances et, chaque printemps, faisait un feu des invitations qu’il avait reçues dans l’hiver.

Un seul objet l’intéressait plus que ses études. C’était Hélène, orpheline de mère à deux ans, traitée par lui comme une espèce de divinité, son orgueil en même temps que toute sa tendresse. Pas une infante ne voit fleurir sous ses premiers pas plus de brocarts étincelants et de roses coupées qu’il n’en avait mis sous les siens. Dans une maison que ses manies paraissaient conduire, tout s’inclinait au plus futile des caprices d’Hélène comme une forêt de vieux grands arbres étroitement mêlés sous la petite brise de l’aurore. L’allégresse y naissait de son insouciance, l’inquiétude d’un soupir qu’elle avait poussé. Jusque dans la bibliothèque, elle était chez elle. Et il fallait qu’un document fût vraiment précieux pour que son père, avec douceur, le lui prît des mains lorsqu’il la voyait s’en saisir.

Par un trait éclatant de libéralisme, Louis de Kerbrat avait voulu qu’elle reçût d’abord l’éducation traditionnelle des filles de sa race. Persuadé de l’erreur de toutes les doctrines, il n’était pas sans convenir du secours puissant que tirent souvent d’elles certains êtres et refusait de s’accorder qu’il fût de son droit d’en priver Hélène par principe. Aussi, les femmes qu’il avait mises, sous sa surveillance, à la diriger et l’instruire, de vertu rigoureuse et ferventes chrétiennes, avaient-elles pour consigne de ne lui faire grâce d’aucun exer-