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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

sévères, et elles lui laissent un souvenir qui parfume sa vie tant que celle-ci, par des épreuves à l’excès blessantes, ne les a pas trop déformées. Ceci est vrai pour le jeune prince comblé d’attentions comme pour le fils de l’ouvrier né dans une mansarde et qui s’y est cru misérable. Mais, si l’on veut, par folle tendresse, doter une enfance d’une félicité sans limites, c’est la campagne qu’il faut choisir pour son développement. Là, tout désir peut s’exprimer, tout plaisir se prendre, l’indépendance ignore ses digues les plus ordinaires. Entre l’objet qui le captive et sa main tendue, le petit d’homme, à condition d’être souple et fort, ne voit se dresser nul obstacle. Les fruits et les fleurs, il s’y roule. Les animaux, pour la plupart, sont des frères agiles qui lui obéissent avec joie. Il a du sol pour son tricycle, de l’eau pour ses barques, tout le ciel, à toute heure, pour ses cerfs-volants. Enfin, pour lui, s’il est question d’encre et d’alphabet, c’est dans une chambre où l’air léger balance des parfums, que ce soit ceux de géraniums placés à deux pas ou les troublantes émanations de la terre mouillée.

Sorti, la veille, à peine conscient de son infortune, d’un appartement parisien, Marc avait vu se déployer ces immenses bonheurs sous les auspices de deux vieillards vénérant ses actes et se disputant ses sourires. Les remontrances de sa grand’mère fleuraient les pastilles et son grand-père, pour l’amuser, refoulant ses pleurs, s’ingéniait à briller sans affectation dans des bouf-