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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

plutôt qu’elle n’étudie, recrée ou transforme. Aucune des vues rétrospectives qu’elle souhaitait d’elle-même n’avait proprement de netteté. Toutes baignaient dans la plus irritante des brumes. Au Luxembourg, un an plus tôt, pour prendre un exemple, elle avait fait, et de quel cœur, cette sortie furieuse. Était-ce par simple indignation ou par jalousie ? Elle tançait Marc, punissait Marc, le voyait bouder, lui rendait alors toutes ses grâces, comment savoir si la raison dictait cette clémence ou si autre chose l’inspirait ? En décidant de le distraire, avait-elle péché ? Elle s’y était plue, était-ce mal ? Plus elle donnait de son esprit à toutes ces questions, plus elle sentait comme une conscience peut être au supplice lorsqu’on s’évertue à l’y mettre. « Jeu stupide ! » finit-elle par lancer tout haut. « Réussit-on, devant la neige, même en s’appliquant, à se persuader qu’elle est noire ? »

Mais, tout à coup, elle tressaillit. Ses paupières battirent. Un long moment, elle oublia sa respiration, comme sous l’effet du saisissement que produit un choc. Promenés autour d’elle avec détachement, ses yeux venaient de rencontrer, sur une étagère, la seule image de son mari qu’elle eût dans sa chambre. Alors, comme si, de ce portrait, jaillissait, aigu, l’argument jusque-là recherché en vain, une épouvante inexprimable et qui fit tache d’huile s’empara d’Hélène effondrée, Qu’on se figure une somnambule reprenant ses sens pour voir briller dans sa main droite la lame d’un poignard et pour buter, l’instant d’après, sur le corps d’un homme. Quelle