Page:Henri Deberly Le Supplice de Phèdre 1926.djvu/205

Cette page n’a pas encore été corrigée
203
LE SUPPLICE DE PHÈDRE

sachant ce que j’ai fait pour lui soustraire Marc, elle pourra mesurer sa victoire sur moi, quelles inventions n’aura-t-elle pas, rouée comme elle doit l’être, pour consolider cette victoire ? Et quelle défense un peu sérieuse, quelle utile parade serai-je en état d’opposer ? Désormais, se méfiant et me détestant, cet imbécile n’aura d’oreilles que pour ses paroles et ne verra que par ses yeux non seulement moi-même, mais sa propre bassesse dont elle le flattera. Toute sa confiance sera pour elle. Je l’aurai perdu ! »

La jeune femme, jusque-là, s’était possédée. Cette perspective lui fit au cœur une si grande secousse que, se sentant dans l’impuissance de n’en rien trahir, elle sortit du salon et courut chez elle où elle éclata en sanglots. Mais, si sa peine était immense, elle n’était pas tout, il s’y mêlait des éléments de farouche révolte et une question qu’elle se posait d’un accent furieux revenait sans cesse sur ses lèvres. En vertu de quel droit une coquette fanée prétendait-elle arracher Marc à ses affections et tramer son malheur comme celui des siens ? Où prenait-elle qu’on dût avoir pour ses vices de vieille le respect que commande un amour normal ? Trop de faiblesse, trop d’indulgence l’avait enhardie. Il était temps de mettre un terme à son effronterie et de lui faire enfin tâter d’une résolution qui la réduirait au silence. Quelle sottise et quelle faute d’avoir tant tardé ! « Je suis une moule ! » se dit Hélène en séchant ses pleurs et en allant à sa toilette se baigner les yeux