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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

l’avaient fatiguée et, d’autre part, elle désirait revoir clair en elle après cette période de folie. Elle se sentait comme une jeune fille ordinairement sobre qui, tout à coup, reprend conscience et se ressaisit après quelques flûtes de champagne et qui, sans doute, ne regrette pas de les avoir bues, mais n’en est pas moins étonnée.

Pour une retraite, l’Amirauté valait une chartreuse. Avec ses murs bas, ses grands arbres, le vieux domaine, dans une campagne pleine des travaux d’août, figurait une île de silence. Les soins heureux qu’il recevait du comte de Kerbrat lui conservaient ce caractère de bien familial qui ne réside ni dans la pompe de certaines allées ni dans l’ordonnance des parterres, mais dans la suite des éléments, parfois disgracieux, dont quatre ou cinq générations ont cru l’enrichir. Pour le doter d’une perspective, faire naître un rond-point, ou, simplement, donner plus d’air et de pittoresque à quelque passage resserré, le père d’Hélène n’eût pas coupé deux douzaines d’arbustes. Jusque dans l’humble éparpillement, sur un sol médiocre, d’une chronique roturière de sa péninsule, la passion de l’histoire soumettait chez lui ce qu’aurait eu d’entreprenant son goût du progrès. Les bâtiments bénéficiaient d’une égale faveur. Quant aux meubles, restés dans les coins des chambres aux endroits mêmes où le voulait Mme Cortambert, ils prenaient là des invalides de pièces de musée. Presque tous respiraient les vertus bourgeoises et la laideur de leurs