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LE VITRIOL-DE-LUNE

des longs dialogues de l’épouse et de son frère Giambattista, venu naguère de Gênes pour la rejoindre.

S’étant fait mitron, l’Italien vivait à la boulangerie, pétrissait les miches que Cornillon enfournait. Il fréquentait, sur le Port-du-Temple, des bateliers de son pays, habillés comme des galériens.

Une chose encore attristait le boulanger : l’attachement de Blaise pour son oncle. L’oncle Giambattista était un homme extraordinaire. Par ses traits réguliers et fermes, il ressemblait à sa sœur. Mais cet homme, grand, souple, et crépu comme un mulâtre, allait toujours débraillé, sa veste brune ouverte sur une chemise en toile bariolée de fleurs hardies. Parfois il portait un habit, un tricorne sous le bras et des souliers à boucles.

Il possédait une flûte en cristal, à clés d’argent. Il la prétendait tenir d’un marin, qui l’avait rapportée de Chine. Il en jouait habilement et chaque soir. La flûte rendait un son grêle et triste, quelquefois lugubre, quand on en tirait les notes