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LE VITRIOL-DE-LUNE

Il tendit, une fois encore, son verre au pichet, le vida, paya l’écot.

— En route, fit-il.

Il saisit la main de l’enfant. Comme deux heures sonnaient, tous deux prirent le chemin de la boulangerie. Une clarté dure et grise taillait de grands pans d’ombre aux flancs des hautes maisons lyonnaises. Au creux des ruelles, des ouvriers allaient à pas lents. Devant les cabarets, des archers du régiment royal se tenaient assis, allongeaient paresseusement leurs jambes guêtrées ; d’un mur à l’autre, sur des cordes tendues, du linge séchait ; quelques rameaux tremblaient dans l’azur maladif. Des carrosses et des chaises se croisaient aux carrefours.

La boulangerie ouvrait sa chambre basse sur la rue. Anita Cornillon, assise sur les marches du seuil, attendait son époux, et le querellait un peu chaque jour. Mais Cornillon riait, embrassait sa femme, puis il gagnait la chambre haute, où elle le suivait.

Le boulanger se mettait au lit, elle le bordait,