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Je me laissai conduire dans un hammam. La chaleur m’oppressait au point de me tenir bouche bée comme un poisson sur le sable. Des citoyens dénués de graisse et de pitié et qui, sans doute, allaient en ces lieux pour voir souffrir les poids lourds, me regardaient d’un œil sec. Je haletais sous le peignoir de laine. Les miroirs, dans leurs cadres mauresques, me renvoyaient l’image d’une tomate énorme, huileuse et mouvante. La sueur me noyait les yeux. Je résistais. Les cheveux collés, la langue pendante, je régnais, comme un Neptune dérisoire, sur mes propres eaux dont j’inondais au moindre mouvement le carrelage du bain turc.

Puis ma force s’en allait. Je regagnai ma cabine en chancelant. Des garçons brutaux s’emparaient du costaud dégonflé et l’étendaient sur un lit. Enfin, massé, pincé, passé au crin, étrillé, assommé de claques, je sortais. Une soif dévorante me jetait dans une brasserie exploitée de