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me fit asseoir. Je lui racontai mes tribulations qu’il écouta d’un air sympathique et pénétré.

— Vous êtes vraiment dans la misère ? me demanda-t-il.

— Autant qu’on peut l’être, monsieur. Depuis une semaine, je me nourris chaque jour d’une miche et d’un bâton de chocolat. C’est un affamé qui vous demande du travail et du pain…

Alors, faisant craquer les os de ses doigts, il se mit à rire, braqua sur moi son visage pointu, et, le doigt tendu vers mon ventre :

— Vous avez des réserves, dit-il. Maigrissez, et revenez me voir. Il nous faut des hommes actifs et non point des poupards !

Il ouvrit une porte et me poussa dehors. Jamais je n’ai pleuré comme dans cet escalier.

J’ai revu plus tard M. Sagnimorte. Il était ruiné. J’avais fait fortune. Mon ventre était devenu un ventre doré. Je ne suis pas un ingrat. M. Sagnimorte est concierge, maintenant… concierge d’un