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hommes. Le refrain ne change pas. Même durant la guerre, il n’avait pas changé. Fatigués, malades ou malheureux, c’est le même prix : personne ne s’en aperçoit. On nous dit : « Vous avez une bonne mine », et, quand on a dit cela, on se frotte les mains avec satisfaction.

Quand je mourrai — que ce soit le plus tard possible — mes amis viendront, je l’espère, me voir une dernière fois. On lèvera pour eux le dessus de ma boîte, et tous, penchés sur mes restes, diront tour à tour : « Il a une mine superbe », autrement dit : toutes les apparences de la santé. Cela n’empêchera pas le menuisier de visser solidement mon couvercle, le curé de me bénir et l’appariteur de lever sa canne en signe de départ. En route ! Puis mes amis formeront un convoi distrait, car on ne peut se faire à l’idée de pleurer un « bon gros ». On dirait que les obèses échappent aux mystères de la mort, comme, après les naufrages, les édredons des paquebots se dérobent