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toute vitesse, comme une bille roule à travers les rampes d’un appareil à sou. Je n’en gardai pas moins cette graisse-là, et d’autre, qui s’étala par dessus.

Il faut avoir grossi durant des années pour comprendre l’amertume du souvenir et l’épouvante des constatations. Vous, les poids moyens, qui ne changez pas, ne pouvez savoir ce que nous éprouvons lorsque nous retrouvons d’aventure, au fond d’une armoire, le gilet d’il y a deux ans, ou la culotte de l’autre saison… C’est plus fort que soi, on veut essayer. Le démon de la curiosité est en vous, qui s’empare de ce vêtement, funeste et pernicieux, témoin d’un temps à jamais regrettable ! On obéit avec une espèce de hâte fébrile ; on essaie d’entrer dans ce pantalon dont le fond craque, de boutonner ce gilet, dont les devants, pris l’un pour l’autre d’une insurmontable aversion, refusent de se réconcilier sur votre panse. Quel sale moment ! Tous les gros le connaissent