Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séducteurs ; jamais il ne s’attarde, après le départ de la bien-aimée, devant un miroir et ne trouve à ses yeux la fameuse « profondeur inconnue », chère aux romanciers psychologues ; jamais, jamais, concevez-vous une pareille amertume ?

Oh ! je sais bien, parbleu ! ce n'est point là une de ces détresses qui remuent le cœur d’autrui. Mais autrui ne sait pas… Autrui a des aventures ; il conserve au fond de lui le souvenir de belles rencontres, des étrangères que les hasards d’une nuit d’hôtel ou d’un soir de casino jetèrent toutes palpitantes dans ses bras. Comment imagineriez-vous, ô gens heureux, l’existence humiliée de ceux à qui ces choses n’arriveront point, ne sont jamais arrivées ? Nous vivons de rogatons d’amour, comme des vieillards, tandis que nous portons le cœur de Chérubin et le râble d’Hercule !

Être aimé soudain, provoquer dans le regard des femmes cette lueur rapide qu’elles cachent aussi vite qu’elles le peuvent sous des airs indifférents