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LE MARTYRE DE L'OBÈSE

« Madame ! s’était-elle écriée, madame, c’est un garçon : il est rond comme une quenouille ! »

Rond, vous entendez, j’étais rond en voyant le jour, et, depuis lors, on n’a cessé de me comparer à des objets renflés, à un pot-à-tabac, à un traversin, à Balzac. Et toujours aux mêmes, depuis trente-sept ans ! Il faut peser cent kilos, monsieur, pour savoir à quel point les hommes sont à court de comparaisons. Ah ! si les gens savaient ! À quoi bon toujours répéter une vérité désagréable ? Je suis gros, c’est entendu, c’est un fait, vous me l’avez tout assez dit. D’ailleurs je ne m’en cache pas.

Voyez-vous, on ne connaît pas les gros hommes. Tel, qui n’oserait railler un citoyen affligé d’un bouton sur le nez, ne connaît rien d’aussi plaisant que de tourner un poussah en dérision. Comment expliquez-vous cela ? Mafflu, pansu, fessu, voilà des mots permis, n’est-ce pas, des mots dont il serait bien indélicat de se fâcher…