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le Saut-des-Cuves ; c’est une espèce de cataracte formée par la petite rivière de Vologne, qui se précipite avec fracas dans les anfractuosités des roches de granit.

Plus bas, on trouve une pierre à peu près quarrée, d’environ 12 pieds de diamètre : on la nomme Pierre de Charlemagne, parce que, dit-on, il s’y arrêta et s’y reput. En parcourant la France, j’ai remarqué qu’on veut retrouver partout des monuments, des souvenirs de César et de Charlemagne. Il est vieux, mais vrai, le proverbe : on ne prête qu’aux riches.

GERARDMER, ce beau et grand village est entouré de rochers hideux qu’on nomme les moutons de Gerardmer[1]. Les pluies ont entraîné dans les vallons toute la terre végétale et rongé les angles de ces rochers, qui annoncent, pour ainsi dire, les débris de l’univers. Le cœur se resserre à leur aspect, et l’œil ne contemple qu’avec peine des lieux ou la nature paraît, dans sa douleur, refuser à l’homme sa subsistance[2].

L’industrie des habitants supplée aux refus de la nature. Ils font en bois beaucoup d’ustensiles de ménage, comme assiettes, terrines, gobelets, etc. ; j’ai vu le temps où pour 12 francs on pouvait acheter un buffet complet.

On prépare aussi dans ce village une assez grande quantité de poix blanche par un procédé fort simple. Avec une espèce de crochet on ouvre l’écorce des pins : sur-le-champ la poix suinte, on la recueille dans des vases ; mais comme elle est chargée d’impuretés, on la fait bouillir. Quand la liquéfaction est complette (sic), on la jette dans un sac sous pressoir : la poix filtre à travers le tissu et la crasse restée dans le sac sert encore de combustible.

Une autre branche de commerce pour Gerardmer, ce

  1. Sans doute à cause de leur couleur, semblable à la blanche toison des moutons.
  2. Les deux intéressantes notices que MM. Defranoux et Charles Charton, membres de la Société d’émulation des Vosges, ont publié sous les titres de : Précis historique et topographique sur le canton de Gerardmer, in-12, 23 pages, Épinal, Gerard, 1832, et de Notice statistique sur le canton de Gerardmer, extraite de l’annuaire des Vosges pour 1834, in-12, 30 pages, Épinal, Gerard, 1834, font connaître quels ont été les progrès de la civilisation dans cette commune, pendant l’espace de 36 ans.