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sont les fromages qu’on transporte, même à Paris, sous le nom de Giraumé. Les communes voisines, telles que la Bresse, Saint-Maurice, Cornimont, etc., en préparent qui le disputent en qualité, mais tous se vendent sous le nom de Giraumé, comme le fromage de Lodi sous le nom de Parmesan.

À quelque distance de Gerardmer[1] est un écho monophone qui répète plusieurs mots. Un bon campagnard que nous avions pris pour porter nos instruments, ne pouvant concevoir que nous fissions une démarche pour aller l’entendre, nous prenait pour de francs nigauds. Mais je lui observai que cet écho savait le grec, l’anglais, l’espagnol, l’italien, etc. À l’instant, je prononçais des phrases de ces divers idiomes. Notre homme passa du dédain à la surprise, à l’admiration même, en apprenant qu’à côté de son village était un écho qui savait toutes les langues.

Au milieu de Gerardmer est un très-beau tilleul ; un detritus de feuilles et d’autres matières végétales s’est amassé dans une espèce de creux formé par la bifurcation de la tige, et là est implanté un arboisier dont les branches ont au moins six pieds de longs.

LA BRESSE. Cette grande commune avait une sorte de régime républicain avant l’établissement de la république ; elle avait son marteau de grurie, s’administrait elle-même, ne payait aucune redevance féodale, ne relevait d’aucun seigneur[2], et jugeait toutes les causes civiles en première instance, avec une sagesse telle que rarement on appelait de ses sentences, et, quand il y avait appel, presque toujours les jugements étaient confirmés par le tribunal supérieur. Autrefois on jugeait sous l’ormeau[3] où sont encore les

  1. À un demi-kilomètre du lac de Longemer.
  2. On voit par un compte du domaine de la prévôté d’Arches, de l’année 1667, que la commune de La Bresse appartenait en 1580 à un fief masculin, que les ducs de Lorraine avaient donné aux sires de Hodstatt, à charge de reversibilité, à défaut d’hoirs légitimes. (Archives du chapitre de Remiremont.)
  3. Sur la place dite le Champtel, véritable mallus, où la justice se rendait, comme chez les vieux peuples du nord, en plein air (sub dio), sous l’abri tutélaire d’un chêne séculaire, ainsi que s’expriment plusieurs actes du moyen-âge. (Voyez notre notice intitulée : Coutume particulière, mœurs et usages de la commune de la Bresse, insérée dans l’Écho des Vosges, tome Ier, pages 95-105.)