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PŒUF.

C’était sa phrase coutumière, malgré la variante, sa phrase de jadis, lorsque, sa soupe mangée, il se curait les dents avec son épinglette de tir ; mais je ne m’y attachai point, me contentai de lui jeter une mélancolique œillade, tant mon être fut bouleversé par cette parole de mort qu’il me débitait là, tranquillement. Il avait cessé de pleurer.

— Enfin, ça y est ! Qu’est-ce que je pourrais y faire ! déclara-t-il.

Et se tournant vers Chassagnol, il lui sourit d’un air navré, disant :

— N’est-ce pas, sergent, qu’faudra qu’j’y passe ?

Chassagnol répliqua :

— Je crois qu’il vaudrait mieux ne pas vous monter le coco, attendre des nouvelles de votre recours…

Le gardien opina du bonnet ; Pœuf n’ajouta rien ; mais il me sembla qu’aucune lueur d’espoir ne lui traversait les yeux.

Il revint s’asseoir sur son lit, ne me perdit pas de vue ; — je me jugeais inepte à force de chercher quelque chose à exprimer, sans y réussir ; — mais, une sonnerie de clairons, une sonnerie lointaine, joyeuse, ténue, chantonnant alors, Pœuf se remit debout et, le col tendu, les narines ouvertes, d’un pas égal commença d’arpenter la cellule. La sonnerie approcha ; certains