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PŒUF

— Tu trouves ?

— Tu es habillée comme… comme une fleur, accentuai-je, sans oser la regarder.

Et je cueillis une brindille, la portai à ma bouche, me mis à la mâchonner. Marie s’écria :

— Jette, jette… c’est peut-être du poison. Moi, papa m’a défendu de rien mettre dans ma bouche.

— Bah ! proclamai-je, la mine aussi dégagée que possible, — quand même ce serait du poison ?

Je me sentais le cœur d’un héros.

— Voyons, André, jette… répéta-t-elle. À quoi bon risquer du mal… pour faire de la peine à ta mère ?

Je jetai la brindille ; mais, en moi-même, parce qu’un tas d’idées saugrenues me germaient dans la tête, sans liaison aucune, je désirai tout à coup que Marie chût au fond du bassin, afin de l’en tirer.

— Tiens ! dis-je cependant, pourquoi n’as-tu pas apporté ta catin ?… Nous aurions joué… Elle est très belle, ta catin.

— N’est-ce pas ?… C’est une de mes tantes qui me l’a envoyée de Fort-de-France. Je ne l’ai que d’hier… Veux-tu que j’aille la chercher ?

— Bé ! non, va ! fis-je. — Si tu l’avais eue, tant mieux ; mais puisque tu ne l’as pas, nous nous en passerons.