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PŒUF.

présence, et là, raconter enfin pourquoi il avait tué l’adjudant. Mais, sur un signe d’elle, quand jaillit la minute, cette minute où l’on écoute des oreilles et de l’âme, la vieille, l’horrible vieille, — je l’aurais déchirée ! — grasseya :

— Marie, si tu laissais ta poupée pour faire à André les honneurs du jardin ?

Marie abandonna sa poupée, se munit d’une ombrelle ; nous descendîmes un escalier de pierre, et brusquement nous nous trouvâmes au grand soleil, l’un et l’autre un peu éblouis.

— De quel côté veux-tu te promener ? me demanda Marie, — du côté de la basse-cour ou du côté du bassin ?

— Où tu voudras, répondis-je, — du côté du bassin.

Et une douceur contemplative s’éparpilla en moi ; et, au mépris de ce que j’aurais pu apprendre sur Pœuf, je me sentis tout joyeux d’être seul, à deux pas de cette petite Marie si aimante et si jolie avec ses poignets nus, sa robe rose et ses minuscules bracelets de corail.

Nous marchâmes d’abord sans nous rien communiquer, elle, placide, moi, l’ouïe à la musique tumultueuse que trompettaient, dans un massif de balsamines, les frelons et les mouches à miel ; puis, comme