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PŒUF.

sac de mousseline à fleurs, occupait un fauteuil canné, à bascule ; l’ordonnateur, un petit gros, barbu, habillé de coutil, berçait sa femme, une brune gentille, très pâle, vautrée au fond d’un hamac d’aloès ; et Marie… Marie ! en jupes courtes, ses longs cheveux bouclés au travers des épaules, — elle rougit quand elle m’aperçut, — Marie, au pied d’une chaise, dévêtait, pour la coucher sous son mouchoir, une superbe catin martiniquaise, en peau jaune, aux yeux d’amande, ornée d’un collier d’or. Un ruban de soleil, contre un garde-fou panaché de verdures, chargé de pommes-lianes, de grappes roses, entre l’ombre bleuâtre où semblait prête à s’évaporer cette famille et des stores de soie bleue, à demi levés, rutilait sur le parquet. Les murs étaient tendus de nattes paille, pleines d’oiseaux peints. Aux quatre coins de la véranda, des grenadiers sur des vases en forme de tulipes, arrondissaient de grêles feuillages, pomponnés de vermillon. J’avais tout embrassé d’un coup d’œil.

La vieille et sa belle-fille s’étant levées cependant, puis l’ordonnateur nous ayant fait asseoir, une conversation venait de s’engager à propos de Pœuf, conversation où la voix de ma mère, sans accent fadasse, éclipsait les voix qui l’interrogeaient. Pauvre Pœuf !… Comme les oreilles devaient lui tinter ! J’en négligeai Marie, tant j’espérais que ma mère allait oublier ma