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PŒUF.

bientôt plus ; tandis que cheminait en moi une face lointaine et malheureuse, — celle de Pœuf quêtant son pardon.

Elle m’ennuya d’abord, fatigua mon esprit, las de s’y être trop attaché ; mais, la question de savoir pourquoi Pœuf avait tué Barrateau me revenant, je la sondai encore de toutes manières. — On entonnait le Dies iræ, dies illa, et, de temps à autre, l’orgue trouvait des notes profondes.

« Oui, pourquoi Pœuf avait-il tué Barrateau ? » Je m’étais bien ingénié à scruter Robert là-dessus ; j’avais bien employé ma souplesse d’enfant à tâcher de le surprendre, de l’amadouer ; mais, sans doute par ordre, il avait aussi prétendu ne rien savoir.

Et je m’ahurissais de plus en plus ; et de la colère, une effroyable colère me battait les tempes ; et sempiternellement me revenait la même question, comme un hoquet : Au nom de qui, au nom de quoi Pœuf a-t-il tué Barrateau ? — J’y gagnai presque la migraine.

J’avais beau me répéter : « Bah ! puisqu’on s’obstine à ne pas souffler mot, c’est que la chose doit être vilaine, très vilaine ! » cela ne me suffisait d’aucune sorte, ne me rendait ni moins petit, ni plus expérimenté devant cet inconnu malpropre et attractif que mon âge seul m’interdisait de percer.