Page:Hennique - Pœuf, 1899.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
pœuf.

Et Pœuf avait dit : non. Cher Pœuf ! Excellent Pœuf !


Les yeux clos, avec, sur les paupières, cette fraîcheur persistante que laissent les pleurs séchés, je réfléchis qu’il était tard et que je ne dormais pas ; puis, après avoir tenté d’observer si Robert vaquait toujours aux soins de sa cuisine ; pendant qu’au dehors montait sans discontinuer l’opiniâtre concert des cri-cri, je recommençai d’évoquer Pœuf : C’était lui, un dimanche matin, à l’heure où tintaient les cloches de Notre-Dame du Mont-Carmel, qui m’avait vengé de Lapin, un drôle, taché de rousseur, fils de soldat et de mulâtresse, dont la haine, Dieu sait pourquoi ! tendait à me lapider de loin, sitôt que je m’écartais du rayon familial. Pœuf avait empoigné mon Lapin, l’avait troussé, l’avait fessé, — je tremblais d’aise ! — et depuis, aucune pierre guadeloupéenne ne s’était plus permis de me siffler aux oreilles.

La tranquillité de l’ombre à mon chevet, l’heure et mon actuelle insomnie me remembrant alors qu’un soir par an je m’efforçais de veiller jusqu’à la seconde où, signalant la fête de ma mère, une bizarre sérénade partait dans notre cour, je ne sus me tenir d’exulter, malgré tout. Mon Dieu, de quelle gaieté stupéfaite n’avais-je pas tressailli, lorsque, débutant pour la pre-