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pœuf.

me retournai, et la retraite sonna au milieu du Champ-d’Arbaud. « Quelle mauvaise nouvelle avait-on à m’apprendre ? »

Les clairons jacassaient, lançaient des notes stridentes, connues ; une brise tiède soufflait, emplissant les manguiers de rumeurs ; des feuilles de palmier claquaient l’une contre l’autre ; sur deux minces pelouses, presque à mes pieds, des mouches à feu luaient ; un ruisseau babillait follement ; une sentinelle, non loin de nous, dans l’ombre, se dressait, l’arme au pied ; et, autour du Champ-d’Arbaud, à travers des feuillages noirs, mille clartés scintillaient à certaines fenêtres, papillotaient, mouraient, jaillissaient des jalousies du Gouvernement, semblable à une immense cage à poules.

La retraite cessant tout à coup, un large silence lui succéda, durant lequel des bruits de voix s’épandirent, voix de négrillons en gaieté. Puis les clairons s’acheminèrent vers la caserne, pétardant une marche, qui, pour un temps, nous vint par bouffées.

— Eh bien ! papa ? demandai-je.

On me répondit :

— Pœuf est en prison.

« Pœuf en prison ?… Pœuf !… Pœuf !… Pœuf !… Mais, deux ou trois heures auparavant, il était encore de planton à notre porte !… Qu’avait-il donc fait… ? »