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PŒUF.

tes, de ténèbres qui s’attardaient, du tapage de mes pas, des feuillages bruissant, de la clarté encore louche du ciel.

Au sortir de la ville, un chien qui dévala d’un talus m’occasionna un soubresaut de terreur. Pourtant, comme au lieu d’aboyer et de montrer ses crocs, il approcha de moi, tranquille, avec un frétillement de la queue, j’eus bientôt reconquis de l’aplomb.

— Pauvre toutou ! murmurai-je alors, en lui grattant la tête. — Pauvre toutou ! On n’a donc pas de maison ? pas de maître ?

Il me suivit.

Le ciel jaunissait à vue d’œil, entre deux versants de la Soufrière. J’observai la rade, — la rade où le paquebot noir commençait à se détacher sur l’horizon, — et elle était couverte de longues vagues miroitantes.

— Toutou !… Toutou ! répétais-je continuellement.

Et le chien, pour les mêmes raisons que moi, peut-être, devenait plus hardi et plus gai, sous l’envahissement de la lumière.

Je m’occupais à peine de Pœuf, tant les trésors de couleur qui s’accentuaient parmi l’herbe et parmi les arbres m’intéressaient, m’accaparaient et me ravissaient. Jamais je n’avais vu cela.

Le chien était fauve ; — et il gaminait à présent,