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PŒUF.

Ma gorge se contracta.

— O-o-oh ! qui…

— Lu colonel… tout à l’heu.

— Tu sais où on va le… ?

— En place où ces soldats-là qu’a tiré.

— Derrière la caserne ?

— Oui.

— Bonsoir, dis-je.

Et, le dos tourné, mes dents claquèrent.

Je comprimai la solitude où erraient à travers moi mille impressions nébuleuses ; à la hâte, je fus embrasser mon père et ma mère qui ne me soufflèrent mot ; puis je me dévêtis et me couchai.

J’étais comme électrisé. La bougie éteinte, une sorte de pieux désir me poussa bien à me diriger vers le tiroir de la table où gisait la clarinette, la clarinette abandonnée ; mais je n’eus pas le courage de me glisser hors de mon lit : trop de ténèbres et trop de surprises me paraissaient emplir ma chambre. « Que faisait Pœuf à cette heure ? À quoi réfléchissait-il ? Savait-il seulement que le lendemain ?… Et moi qui ne m’étais même pas informé, aussitôt l’arrivée du packet… » Je n’achevais plus mes pensées, tant elles se remplaçaient vite. « C’est son frère et sa sœur qui ne se doutaient guère !… » J’avais failli répéter sa phrase. « Pauvre Pœuf ! pauvre Pœuf !… Fini ! tout allait finir