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PŒUF.

européens rayonnent sous les ombrelles ; et les faces bistrées jubilent en d’ivoirins sourires éclaboussés de soleil.

Pour moi, outre l’odeur de France, — je la reconnaissais d’ailleurs fort mal au milieu des odeurs qui vacarmaient là, au bord d’une mer presque sans cesse éblouissante, — l’arrivée d’un paquebot, c’était des lettres de mes frères, en train de terminer leurs études à Brest, — puis une joie de mes parents.

La Martinique, vapeur à roues, fut signalée un matin de septembre. Mais comme il avait plu et venté une partie de la nuit ; mais comme un ras de marée soulevait la rade, elle ne put prendre son mouillage. Longtemps, on distingua son panache de fumée, ses voiles, d’une blancheur crayeuse contre l’horizon ; tantôt elle apparaissait, tantôt elle se cachait, — des lorgnettes étaient braquées sur elle ; — puis, le voisinage de la terre présentant du danger, elle regagna le large, à la stupeur publique.

« Pas de chance ! pas de chance ! » Chacun murmurait : « Pas de chance ! nous n’aurons point nos lettres, ce soir ! » Mais pas un mot ne fut pour Pœuf, pour le malheureux Pœuf, dont l’agonie commençait peut-être.

Et le jour s’éteignit encore une fois ; et une nuit