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DE L’HOMME,

en lui ce que je respecte dans les anciens, j’insulte à ses actions généreuses, je le punis de son mérite, et je méprise du moins hautement en lui son impuissance.

Ma raison, qui juge la vertu des morts, me contraint d’estimer dans la spéculation les héros qui se sont rendus utiles à leur patrie. Le tableau de l’héroïsme ancien produit un respect involontaire dans toute ame qui n’est point encore entièrement dégradée : mais dans mon concitoyen cet héroïsme m’est odieux ; j’éprouve en sa présence deux sentiments contradictoires, l’un d’estime, l’autre d’envie. Soumis, à ces deux impulsions différentes, je hais le héros vivant, je dresse un trophée sur sa tombe, et satisfais ainsi mon orgueil et ma raison. Lorsque la vertu est sans crédit, son impuissance me met en droit de la mépriser, et